Anatomanie : n.f. - 2006 ; bas latin, anatomania, de l’indien annato et du grec mania. 1- Habitude, goût bizarre pour la représentation de formes corporelles dans les oeuvres d’art et l’appropriation excessive ou déraisonnable de matières organiques. Elles ont l’anatomanie du cheveu, des tissus, des pastels et graphites, de la cire d’abeille. 2- État de surexcitation caractérisé par la fuite des idées et une exaltation de l’imagination visant à révèler une dimension poétique de l’anatomie humaine. 3- Avoir ses petites anatomanies: posséder une ou plusieurs oeuvres réalisées par des anatomaniaques.
josiane guitard-leroux
Le matériau avec lequel je travaille est issu du corps. Le mien ou celui d’autrui. Cette infime particule capillaire, sauvée de sa chute au sol, perd son futur statut de déchet grâce au geste artistique, et retrouve ainsi une visibilité nouvelle. Ce débris corporel récupéré est choisi pour sa couleur, sa texture, sa forme. Il est ensuite fixé sur le papier en d’énigmatiques signes, crocheté et épinglé en de fragiles réseaux, assemblé et amassé en sculptures mouvantes ou collé et modelé en êtres étranges. Cette partie de soi, détourné de son évidente finalité, devient le matériau d’un faire artistique qui le métamorphose et le confronte à l’acuité des regards lors de son exposition. Convoquant la présence du corps auquel il est relié, il en porte la mémoire physique et psychologique.
Cheveu noir comme le trait d’encre, témoigne de l’originelle couleur de cette chevelure dont le renouvellement quotidien en modifie peu à peu mais inéluctablement la qualité. Cheveu rouge comme une cicatrice dont l’incandescence, tel le rougeoiment des tisons ardents avant les cendres, signale l’inexorable passage du temps. Cheveux colorés, preuve de la singularité et de la diversité de l’humanité. Possibles supports de souvenir, de rêverie, d’évocation ils offrent aux spectateurs qui les rencontrent de multiples interprétations.
J.G.L.
karine jollet
A partir de draps anciens et de vieux vêtements, je couds ces formes à la main, pièce par pièce, intégrant parfois du satin, de la dentelle et des perles. La ouate, blanche et légère, constitue l'intérieur.
Le textile exprime naturellement notre enveloppe corporelle. Entre les mains et l'aiguille, il devient substance de modelage, une analogie de nos propres tissus organiques, osseux, fibreux, cristallins...c'est un travail d'assemblage du corps, une reconstitution comme un patchwork, matelassé, tendu.
Grâce au blanc, le dialogue s'établit entre naturalisme et symbolisme, entre humain, animal et végétal, entre sobriété et décor. La toile blanche, comme une base au jeu de l'ombre et de la lumière.
K.J.
diana quinby
Longtemps je n’ai pas pu dessiner le corps, d’une part parce qu’aux Beaux-Arts, les professeurs me disaient que cela ne se faisait plus, d’autre part parce que je ne savais pas figurer ce corps d’une façon personnelle, vécue.
J’ai donc dessiné, pendant plus de dix ans, l’intérieur du corps. M’inspirant de planches anatomiques, de fragments de squelette, humain et animal, et de fossiles, je construisais, en utilisant la lithographie et le pastel, des architectures fantasmées du corps. En 2005, j’étais enceinte de mon deuxième enfant. J’ai décidé alors de dessiner mon corps “habité”. Je me suis regardée d’abord sans miroir, je me suis dessinée debout, assise, les jambes croisées, le crayon à la main. Ensuite, je me suis placée debout sur le miroir, fascinée par l’étrangeté de la pose. J’ai continué - je continue - dans cette nouvelle voie après la naissance du bébé, me dessinant avec lui, ou le dessinant avec son père, sa soeur...
Ces nouvelles oeuvres au crayon graphite sont étroitement liées aux dessins précédents, non seulement par le format mais aussi par la mise en espace “architecturée” des formes, par l’attention quasi maniaque aux détails, au trait, au volume. Je suis passée de l’intérieur du corps à l’extérieur, heureuse enfin de dessiner ce corps comme je le vois, comme je le vis.
D.Q.
Véronique Roca
L'instant est immobile?
L’instant est-il dans ce souffle léger qui sépare la vie de la mort? C’est le contraire du temps qui passe. C’est l’impossible arrêt sur image, cet insaisissable qui nous fabrique et déroule notre vie, du début à la fin, nous laissant dans l’ignorance de ce qui est.
Ce qui est, c’est peut-être seulement le mouvement, d’un instant vers l’autre? Minuscule espace de transformation. Essayant d’apercevoir l’instant, je me concentre sur les passages, les limites, les extrémités, les entre-deux...Pour à mon tour lui donner corps, le voir, le sentir, le toucher. Je chauffe la cire. Alors, exhalant son parfum, elle change d’état. Puis elle refroidit, épouse le contenant, se fige, en apparence différente.
La cire commence ses métamorphoses - prendre forme, perdre forme - à la température du corps humain. Associée à la vie chez l’abeille dont elle accompagne la maturation, liée à la mort dans l’histoire de l’humanité dont elle accompagne le corps (embaumement, statuettes funéraires) ou s’y substitue (effigies mortuaires et votives, cires anatomiques), la cire parle de passage. Elle se promène indifféremment aux confins de l’art, des sciences ou du sacré, établissant des ponts improbables, se frottant aux lisières de la vie et de la mort. Et je me promène aussi dans ces univers, raclant les frontières, grattant les mémoires, chauffant la matière, coulant la cire.
Dans Hommage, la cire dramatise. Avec Scherzando, elle s’amuse, chante et grimace. Car elle est libre et son secret ne dépend pas de sa forme.
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